Bien sûr que vous avez le droit
de ne se battre pour rien.
Le droit d’être heureux, de se détendre,
de penser que vous êtes cette personne si formidable
qui ne doit rien à personne et qui travaille,
qui paie ses impôts et qui vote quand il le faut.
Bien sûr que vous avez le droit
de vous soucier de vos affaires.
D’écouter les nouvelles
comme un bruit ennuyeux.
De ne pas s’attirer des ennuis
qui ne vous touchent pas du tout.
Comme si ce n’était pas d’abord
difficile n’importe quelle vie.
Bien sûr que vous avez le droit
de vous envelopper dans les vôtres.
Aujourd’hui, c’est une bénédiction
d’avoir quelqu’un.
Et pour demain, tout est si chancelant…
Bien sûr que vous avez le droit
de vous en réfugier.
Je souhaite également,
comme vous, ce pouvoir immense
de ne penser à rien.
C’est la vérité, que je vous envie,
parce que je n’ai personne.
Bien sûr que vous avez le droit
d’être rempli de fierté.
Quoi qu’il arrive,
vous êtes debout.
Les gens qui vous connaissent
ils savent tout ce que vous avez enduré.
Combien de souffrance, d’efforts,
tous vos sacrifices et votre constance fidèle.
Le respect que vous avez toujours manifesté
pour vos patrons et vos amis.
Comment vous vous acclimatez et vous adaptez,
et comment vous souriez d‘habitude
et que vous dites toujours vos « bonjour » en retour.
Bien sûr que vous avez le droit
d’avoir l’esprit tranquille.
Vous effectuez votre travail,
vous obéissez,
vous êtes ponctuel et vous
vous acquittez de toutes vos tâches.
Vous êtes loyal, reconnaissant.
Et tout votre groupe social
sait qu’il compte sur vous.
Ensemble, vous avez protégé
tous leurs intérêts. Vous n’avez permis
à personne de les humilier,
de les insulter ou de les voler.
Et moi, pauvre inutile,
hypocrite, lépreux répugnant,
qui défend n’importe quelle cause
sans autre raison que de crier
scandaleusement,
réclamant, comme une aumône,
toutes les marques d’attention
que l’on peut m’accorder.
Bien sûr que vous avez le droit
de m’ignorer.
À cause de gens comme moi,
ce pays n’avance pas
dans aucune direction.
J’ai des ressentiments,
des traumatismes, des vices,
et des folies. Je suis
cette personne en colère,
instable et maldisant
qui ne parvient pas
à se tolérer soi-même.
Il n’y a qu’une seule chose
que je vous en prie.
Et c’est que…
depuis que je suis né,
je ressens un profond dégoût.
Je n’ai jamais compris
qu’est-ce que tout cela signifiait.
Je n’aime pas ça. Chaque petit
détail, les organisations, les protocoles,
les hiérarchies, chaque règlement écrit
et chaque règle d’étiquette, chaque
célébration, rassemblement, réunion,
parti ou assemblée, chaque faction,
syndicat et groupe de guérilla,
il n’y a vraiment rien qui ne me
répugne pas au plus haut point.
Vous ne pouvez pas imaginer
combien de fois j’ai souhaité
mettre, enfin, un terme
à cette misère. Il n’y a rien
d’autre que je puisse
espérer que d’en finir
une bonne fois pour toutes.
Pourquoi ne pas,
s’il vous plaît,
venir m’aider
pour approcher le terme
de cette souffrance?
Au fond de moi,
je le sais, je suis
un lâche: à l’infini.
Un lâche décevant,
tout comme vous.
JCM
